Contexte

La population en insuffisance rénale terminale (IRT) est très vulnérable aux formes graves de COVID-19 car âgée et souvent diabétique ou avec des troubles cardiovasculaires (1). En temps normal, la transplantation rénale est le meilleur traitement de l’IRT. Durant la pandémie de COVID-19, l’avantage de la transplantation rénale a été remis en question tant au niveau individuel que collectif. C’est pourquoi la transplantation rénale en France a été arrêtée au plus fort de la crise entre mars et mai 2020 avant de reprendre progressivement (5).

Dans ce contexte, un consortium regroupant IDBC, l’agence de la biomédecine (ABM), l’EHESP et des chercheurs d’équipes INSERM et universitaires (Nantes, Rennes, Bordeaux, Poitiers) a été créé et financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) (6).

Objectifs

Les objectifs étaient d’évaluer l’impact à long-terme de cet arrêt de la transplantation rénale en France et de prédire l’impact de moratoires de durées différentes, afin d’être prêt en cas de nouvelle pandémie. Le consortium s’est appuyé sur les données de registre REIN (Réseau Epidémiologique et Information en Néphrologie), IDBC a apporté ses compétences en modélisation statistique et sa maîtrise des études de simulations.

Méthode

Pour répondre à cette problématique nous avons procédé en 3 étapes :

1/ Nous avons estimé l’histoire naturelle de la maladie avant la pandémie selon une approche semi-markovienne. Les différents états considérés et les transitions possibles entre les états sont illustrés dans la figure ci-dessous. Chaque transition a été modélisé à l’aide d’un modèle de Cox multivarié cause-spécifique.

2/ Grâce aux modèles appris à l’étape 1 nous avons, pour chaque patient, simulé son devenir selon différents scénarios d’arrêt de transplantation. Nous avons également simulé l’arrivée de nouveaux patients en IRT.

3/ Nous avons étudié l’impact des moratoires et de leurs durées sur différentes populations de patients et différentes fenêtres de temps. La survie, la probabilité cumulée de transplantation, le temps moyen sur liste d’attente et d’autres indicateurs ont été rapportés.

Résultats

Nos résultats prédisent que l’interruption des transplantations rénales pendant 2 mois et demi devrait engendrer 45 décès supplémentaires [IC 95% : -52, 142] sur un horizon de 10 ans dans la population des 8 350 patients actifs sur la liste d’attente en mars 2020. Sur la même période et pour la même population, le temps d’attente sur liste devrait augmenter en moyenne de 4 mois [IC : 2,9, 5,1]. Les résultats nous permettent aussi d’estimer qu’un moratoire de 9 mois aurait, dans cette population, entrainé un surplus de 139 décès [IC 95% : 44, 260].

La force de cette étude est d’avoir, à l’instar des jumeaux numériques, simulé pour chaque patient son évolution à travers les différents états de la maladie selon différents scénarios limitant sur certaines période l’accès à la transplantation. Ainsi, nous avons pu estimer l’impact à long terme du moratoire sur l’évolution de la liste d’attente et ses conséquences sur l’espérance de vie des générations présentes et futures. Une autre force réside dans la nature non sélectionnée de la population issu d’un registre national exhaustif avec des données structurées et de qualité.

L’article est actuellement soumis mais déjà accessible ici : https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4052653

Références

1.            Ruan Q, Yang K, Wang W, Jiang L, Song J. Clinical predictors of mortality due to COVID-19 based on an analysis of data of 150 patients from Wuhan, China. Intensive Care Med. 2020;46(5):846-848. doi:10.1007/s00134-020-05991-x

2.            Alberici F, Delbarba E, Manenti C, et al. A single center observational study of the clinical characteristics and short-term outcome of 20 kidney transplant patients admitted for SARS-CoV2 pneumonia. Kidney Int. 2020;97(6):1083-1088. doi:10.1016/j.kint.2020.04.002

3.            Hilbrands LB, Duivenvoorden R, Vart P, et al. COVID-19-related mortality in kidney transplant and dialysis patients: results of the ERACODA collaboration. Nephrol Dial Transplant. 2020;35(11):1973-1983. doi:10.1093/ndt/gfaa261

4.            Jager KJ, Kramer A, Chesnaye NC, et al. Results from the ERA-EDTA Registry indicate a high mortality due to COVID-19 in dialysis patients and kidney transplant recipients across Europe. Kidney Int. 2020;98(6):1540-1548. doi:10.1016/j.kint.2020.09.006

5.            Agence de la Biomédecine. Mise à jour des recommandations concernant l’activité de prélèvement et de greffe d’organes et de tissus durant l’épidémie du coronavirus le SARS-CoV-2. Published May 12, 2020. Accessed June 2, 2020. https://www.agence-biomedecine.fr/Recommandation-concernant-l-activite-de-prelevement-et-de-greffe-d-organes-et-1314

6.            Accès à la liste d’attente active pour une transplantation rénale en cas de rebond de COVID-19: études de simulations pour aider aux futures recommandations [Internet]. Agence nationale de la recherche. [cited 2022 Mar 8]. Available from: https://anr.fr/Projet-ANR-20-COV8-0002

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